La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

En politique, «posséder une personnalité sombre est devenu un atout électoral»

3 têtes
Des personnalités complexes: les dirigeants mondiaux Emmanuel Macron, Angela Merkel et Donald Trump lors d'un sommet en 2017. John MacDougall / Keystone

Les dirigeantes et dirigeants qui montrent des signes de narcissisme ou d'impitoyabilité sont soutenus par un électorat aux opinions plus extrêmes, selon une étude à laquelle a participé l'Université de Lausanne.

Ces dernières années, la montée en puissance de personnages politiques tels que le président américain Donald Trump ou l’Argentin Javier Milei, qui manie la tronçonneuse, en a amené plus d’un à s’interroger sur le rôle de la personnalité et de l’image dans les affaires internationales. Donald Trump, qui a déclaré «Je dirige le pays et le monde», est-il mû par pur ego? Agit-il selon la «stratégie du fouLien externe»?

Les chambres d’écho que les gens trouvent sur Internet et dans les médias partisans jouent un rôle dans l’éloignement des communautés ; les problèmes économiques peuvent également susciter de l’animosité. Mais quelle est la part de responsabilité des hommes et femmes politiques – et de leur personnalité – dans le fait de monter les populations les unes contre les autres?

«L’effet interne»

Une étude réalisée par des chercheuses et chercheurs suissesLien externe et néerlandais établit un lien certain. Dans une analyse de 40 élections dans le monde entre 2016 et 2021, les résultats montrent que les politiciennes et politiciens ayant des «traits de personnalité sombres» – narcissisme, machiavélisme et psychopathie (ou triade noire) – ont eu tendance à être soutenus par un électorat ayant des niveaux plus élevés de «polarisation affective», c’est-à-dire d’aversion émotionnelle envers les personnes qui ne partagent pas leurs opinions.

Selon l’étude, qui a porté sur 91 personnalités politiques de premier plan, dont Donald Trump, Narendra Modi, Emmanuel Macron et Angela Merkel, le lien entre personnalité et polarisation n’est pas généralisé. Elle constate plutôt un «effet interne» significatif: l’association n’a été observée que chez l’électorat qui s’identifiait déjà étroitement à l’idéologie de la personnalité politique en question. Celles et ceux qui ne soutenaient pas tellement les idées de cette personne n’ont pas été touchés.

L’étude confirme donc les conclusions précédentes selon lesquelles «les femmes et hommes politiques, souvent populistes, à la personnalité sombre, clivante et intransigeante […] ont tendance à être détestés par le grand public, tout en étant plutôt populaires parmi les électrices et électeurs les plus agressifs ».

Par ailleurs, l’effet n’est pas limité à un côté du spectre politique. Ni les personnalités sombres ni la polarisation ne sont des phénomènes exclusivement de gauche ou de droite. Cependant, les scientifiques écrivent que «les traits sombres semblent être particulièrement répandus chez les autocrates et les populistes, ce qui suggère une intersection potentiellement néfaste entre les dirigeantes et dirigeants intransigeants, la déconsolidation démocratique et la polarisation affective».

Frederico Ferreira da Silva est actuellement chercheur à l'université de Lisbonne. Il est titulaire d'un doctorat de l'Institut universitaire européen de Florence, en Italie, et a précédemment travaillé à l'université de Lausanne.
Frederico Ferreira da Silva est actuellement chercheur à l’université de Lisbonne. Il est titulaire d’un doctorat de l’Institut universitaire européen de Florence, en Italie, et a précédemment travaillé à l’université de Lausanne. courtoisie

L’offre et la demande

Frederico Ferreira da Silva, qui a coécrit l’article de mars 2025 lorsqu’il était à l’université de Lausanne, affirme que les résultats ne montrent pas le mécanisme exact par lequel la personnalité des femmes et hommes politiques influence la position de leurs soutiens les plus fervents. «L’étude montre une association, mais n’est pas en mesure d’en identifier la cause», explique-t-il.

En tant que telle, la recherche ne peut résoudre la question de savoir si la polarisation affective est une question d’offre («les élites entraînent les masses») ou de demande («combler une lacune du marché»), ajoute Frederico Ferreira da Silva. Dans l’ensemble, il pense que la dynamique est plus descendante qu’ascendante. Mais il y a des éléments des deux.

«Les récentes élections dans le monde montrent un nombre croissant de personnalités politiques chez qui on retrouve la triade noire», ajoute-t-il. Et ils sont clairement recherchés: «Posséder une personnalité sombre est même devenu un atout électoral».

Problèmes pour la démocratie

Dans le même temps, les études montrent souvent que l’électorat se laisse influencer par les candidates et candidats qu’il préfère. Cela peut signifier qu’il est influencé sur le plan idéologique ou, comme dans le cas présent, sur le plan émotionnel. Cela peut avoir un impact direct sur la démocratie, d’autant plus que «de nombreux indicateurs tendent à montrer que les personnes les plus polarisées sont aussi celles qui soutiennent le plus l’érosion des normes démocratiques», explique Frederico Ferreira da Silva.

Cet impact «affectif» s’ajoute aux actions plus directes de certaines personnalités politiques qui ont choisi des voies autocratiques ces dernières années. En effet, lorsqu’il s’agit de déclin démocratique, les spécialistes s’opposent également sur les causes liées à l’offre et à la demande, certains soulignant que les problèmes économiques ou sociétaux n’expliquent pas tout et que «les élites dirigeantes ont toujours leur importance».

« Comprendre pourquoi et comment de tels personnages ont décidé de faire fi des contraintes démocratiques pesant sur leur pouvoir une fois en fonction – et pourquoi ces contraintes n’ont pas suffi à les contenir – devrait être au cœur de la compréhension du recul inquiétant de la démocratie dans le monde, tant dans les pays économiquement forts que dans les pays économiquement faibles», ont récemment écrit Thomas Carothers et Brendan Hartnett dans la revue Journal of DemocracyLien externe.

Un «manque d’idées»

Pour sa part, Frederico Ferreira da Silva estime que la montée en puissance des personnalités sombres est symptomatique d’un problème plus vaste, à savoir un «manque d’idées ou de projets politiques dans les sociétés contemporaines». Ce manque de substance conduit à une politique plus axée sur la personnalité et à des débats qui visent davantage à «abattre l’autre camp», dit-il.

Il n’a pas non plus de proposition miracle pour changer les choses. Il n’y a pas grand-chose à faire pour influencer le type de personnes qui se présentent aux élections, souligne-t-il. Et étant donné le succès actuel de ces personnalités, les partis ne sont guère incités à présenter des candidates et candidats plus modérés.

Il mentionne toutefois les médias comme étant particulièrement importants, puiqu’une grande partie de ce qui alimente la polarisation affective est une question de communication. «Les États-Unis, en particulier, ont un gros problème avec les médias partisans». En Europe, où les choses ne sont pas aussi radicalisées, c’est «en grande partie parce que les médias restent généralement indépendants».

En Suisse, qui n’a pas été incluse dans l’étude, Frederico Ferreira da Silva affirme que la polarisation affective est orientée vers les partis plus que vers les personnalités politiques.

Bien que la polarisation affective en Suisse ne soit pas jugée aussi grave qu’ailleurs, des divisions et des tensions existent:

Plus

Relu et vérifié par Benjamin von Wyl/ts. Traduit de l’anglais à l’aide d’un outil de traduction automatique par Emilie Ridard/ptur

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à [email protected].

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision
OSZAR »